Les tours de télécommunication sont un peu comme des colosses aux pieds d’argile. Parmi elles, les structures tubulaires sont bien adaptées au support des nombreux équipements nécessaires au bon fonctionnement de nos téléphones intelligents. Leur hauteur – elles peuvent atteindre 50 mètres – les expose en revanche aux efforts de vent, lesquels peuvent occasionner des ruptures en fatigue. Pour mettre Éole en échec, CIMA+ a élaboré des amortisseurs liquides à installer au sommet de ces monopôles. Il s’agit d’une innovation technologique majeure.
« Un trombone, lorsque plié pour la première fois, ne casse pas. Si on multiplie les cycles de déformation, il va finir par se briser », illustre Jérôme Isabelle, directeur de projet du secteur structures et télécommunication chez CIMA+. Le même phénomène se produit avec les tours de télécommunication, qui oscillent des millions de fois sans cesse sous l’effet des vents au cours de leur vie utile. « Certains éléments structuraux, comme la plaque de base et les jonctions entre les diverses sections, peuvent montrer des signes d’usure au fil du temps », souligne-t-il.
Si rien n’est fait pour corriger la situation, ces tours peuvent même finir par s’effondrer – de rares cas sont survenus au Canada, mais pas au Québec. Le déploiement de la 5G n’arrange en rien les choses. Au contraire : les parcs d’infrastructures de télécommunication, dont certains sont vieillissants, devront bientôt accueillir de nouveaux équipements, donc des charges supplémentaires. « Les acteurs majeurs dans ce secteur ont une occasion à saisir, soit de s’assurer de la conformité de leurs structures pour éviter ce genre d’accident », pense l’ingénieur.
Sortir des sentiers battus
Pour y parvenir, il y a deux manières de faire. La première est d’augmenter la résistance en fatigue de tous les points faibles des tours de télécommunication. Cela implique par exemple de solidifier les jonctions avec des raidisseurs ou d’ajouter des boulons d’ancrage à la base de la structure. Cela est toutefois fastidieux et coûteux. La seconde approche, celle préconisée par les experts de CIMA+, consiste plutôt à diminuer les efforts en fatigue. « Nous nous sommes attaqués aux forces subies par ces structures en contrôlant les oscillations et les vibrations », précise Jérôme Isabelle.
Comment? En installant des réservoirs de liquide, un mélange de quelques dizaines de litres d’eau et d’antigel, au sommet des tours afin que ces dernières « travaillent mieux ». Ces amortisseurs liquides – c’est leur nom – sont construits de manière à contrecarrer l’effet des vents sur ces structures, qui varie selon les cas d’espèce. « Leurs dimensions ne sont jamais les mêmes, explique Joshua Castellanos, ingénieur en structures de télécommunication chez CIMA+. Elles dépendent des propriétés dynamiques de la structure à amortir, principalement de ses fréquences naturelles d’oscillation. »
Le développement de cette technologie inédite, du moins au Québec, a été réalisé de manière indépendante par CIMA+. « Il fallait trouver un compromis entre la facilité d’installation et la possibilité de calibrer ensuite », raconte Joshua Castellanos, en référence à un système conçu pour vider et remplir le réservoir selon les besoins. Sa mise au point a en outre nécessité une modélisation dynamique de pointe afin de prédire les comportements des structures coiffées de ces amortisseurs liquides. « Nous sommes allés au-delà de ce qui se fait normalement en ingénierie », dit-il fièrement.
Innovations, au pluriel
La conception de ces amortisseurs liquides pour structures tubulaires de télécommunication s’est amorcée au début de 2021. Les premiers exemplaires ont quant à eux été installés vers la fin de cette même année. « La diminution des déplacements occasionnés par les vents est de l’ordre de 30 % à 50 %, ce qui est vraiment notable. En plus, la présence d’un ou de plusieurs amortisseurs sur ces tours et les déplacements réduits qui en résultent ont pour effet d’augmenter la qualité du signal cellulaire », indique Jérôme Isabelle. Autrement dit, même la clientèle des entreprises de télécommunications y gagne!
Cette innovation élimine d’un coup les interventions normalement requises pour accroître la résistance des tours de télécommunication. Il est donc question d’une solution simple, efficace et surtout économique à un problème complexe. « Nous avons maintenant une expertise reconnue en dynamique des structures de télécommunication au Québec. Même nos compétiteurs viennent nous voir, c’est tout dire! », conclut Jérôme Isabelle.