Journée internationale des femmes en génie : Jaclyn Mann et Anastasiya Shved

Luc Jolicoeur

« Je crois que pour attirer et pour retenir plus de femmes en génie, nous devons leur faire savoir qu’elles n’ont pas besoin de changer pour entrer dans le moule; elles peuvent être exactement elles-mêmes et être ingénieures. »

  • JACLYN MANN, ing., directrice principale, Énergie, CIMA+

 

Pour célébrer la Journée internationale des femmes en génie, quoi de mieux que de présenter des modèles inspirants et des leaders dans leur domaine pour susciter l’intérêt de la génération montante. Afin de souligner cette journée importante, deux ingénieures qui travaillent dans le domaine de l’énergie en Saskatchewan viennent nous parler du métier d’ingénieur. C’est avec grand plaisir que je vous présente Jaclyn Mann et Anastasiya Shved.

 

Jaclyn : Pourquoi avoir choisi le génie?

Anastasiya : Je crois que mon père a été le facteur décisif dans mon choix de carrière; c’est lui qui m’a fait remarquer que je pourrais exercer le métier d’ingénieur et que je pourrais sûrement y exceller. Avec du recul, toute mon enfance, j’ai baigné dans des travaux et des projets d’ingénierie, mes parents étant tous deux ingénieurs. Et bien que je ne comprenais pas vraiment ce qu’ils faisaient comme travail, ma mère cousait beaucoup à la maison; je la revois étendre ses patrons de couture, en assembler et ajuster les pièces, calculer combien de tissu elle aurait besoin, entretenir et réparer ses outils de couture et, bien entendu, exécuter efficacement le travail. Mon père participait aux travaux domestiques d’une façon plus « technique » disons, habituellement en réglant les problèmes de voiture ou en lien avec l’entretien de la maison.

Alors, lorsqu’est venu le temps de discuter de mes études post-secondaires, mon père m’a demandé pourquoi je ne choisirais pas le génie et je me suis dit « pourquoi pas? ». Je crois vraiment que c’est sa confiance en mes capacités qui m’a aidée à envisager le génie comme une option possible et intéressante. Et plus je me suis plongée dans mes études d’ingénierie et plus tard, dans mon travail en tant qu’ingénieure, plus j’ai réalisé que j’avais vraiment choisi la bonne discipline. Je veux préciser que ma sœur et mon beau-frère sont également ingénieurs; donc, le génie, c’est une affaire de famille.

Jaclyn : Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire et je ne voulais pas être cantonnée dans un certain type de travail, alors j’ai choisi le génie parce que je trouvais que cette discipline m’offrait beaucoup d’options. Je ne savais même pas si j’aimerais le génie, mais je me suis dit que je voulais tenter le coup. J’ai obtenu une bourse d’études et j’ai pu jouer au volleyball à l’université. Alors je me suis dit « le génie est une option aussi valable qu’une autre et puis, si je n’aime pas ça, je changerai de discipline », mais j’ai fini par adorer ça. Par la suite, j’ai réalisé qu’il y avait différentes façons d’être ingénieur; vous pouvez être un ingénieur concepteur pur et dur, un ingénieur chargé des opérations, un ingénieur de chantier, un gestionnaire et même un consultant. C’est la variété des options qui s’offrent à vous qui m’a d’abord attirée en génie.

L’école vous prépare à penser et à agir d’une certaine façon et c’est ce que je croyais devoir faire lorsque j’ai terminé mes études. Mais ce n’était pas moi et je ne me sentais pas à l’aise avec cette approche. Ce que j’ai appris au fil des ans, c’est que je peux être moi-même. Et dernièrement, j’ai pu exprimer ma vérité et agir d’une façon qui correspond davantage à qui je suis. Fait intéressant, je découvre que je pense très différemment de bon nombre d’ingénieurs avec qui je travaille et ce n’est pas une mauvaise chose. Ça crée beaucoup plus de diversité et ça encourage aussi d’autres gens à exprimer des idées qu’ils craignaient voir rejeter parce qu’elles sont différentes. Dans les faits, le résultat s’en trouve grandement amélioré.

Selon moi, voici ce que les femmes peuvent apporter au génie : souplesse, collaboration, différentes façons de penser et différentes façons de résoudre les problèmes. Plutôt que de recourir à la méthode traditionnelle où vous croyez que vous devez trouver les réponses et résoudre les problèmes seul, mon approche consiste à aller vers les gens qui peuvent proposer des réponses et à collaborer avec eux pour trouver la solution qui conviendra le mieux aux parties concernées. Et cela fonctionne très bien.

Anastasiya : Je partage tout à fait ton point de vue. C’est drôle, mais souvent je trouve que je comble aussi un fossé. J’ai heureusement compris qu’on n’a pas à tout savoir; il suffit simplement de savoir qui appeler.

Jaclyn : Je crois que ça nous enlève beaucoup de pression.

Anastasiya : Tout à fait. Et ça démontre aussi aux jeunes ingénieurs que nous ne sommes pas tenus à l’impossible. Il suffit d’être honnête quant à ce qu’on sait et quant à ce qu’on ne sait pas. Le fait de ne pas tout connaître ne réduit en rien notre capacité à trouver des solutions et à résoudre les problèmes. Cela démontre notre honnêteté et notre intégrité, et ça, c’est primordial. La pire chose qu’on voudrait voir c’est une personne qui nous fait croire qu’elle connaît tout ou qui n’est pas totalement honnête quant à ce qu’elle connaît vraiment, ce qui pourrait donner lieu à des problèmes plus graves encore.

Jaclyn : Avec l’arrivée des femmes en génie, je crois qu’il est plus facile d’admettre qu’on ne sait pas tout, de demander de l’aide ou de demander l’opinion de quelqu’un d’autre. Je suis sûre que beaucoup d’hommes le font aussi, mais lorsque j’ai commencé, je ne me sentais pas toujours à l’aise de dire ces choses ou de demander de l’aide. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à demander que j’ai réalisé que « oh! cette personne ne sait pas non plus! ». Il est ridicule pour quiconque de penser qu’il pourrait avoir toutes les réponses à tout ou qu’on puisse s’attendre à ce qu’il ait réponse à tout. Même la personne la plus brillante du monde des sciences de pointe ne sait pas grand-chose en génie de l’environnement et inversement.

Anastasiya : Un autre conseil serait de miser sur ses forces. Pendant un certain temps, je ne savais pas trop où me situer, mais par la suite j’ai réalisé quel était mon super pouvoir, ce en quoi j’excellais vraiment et la façon dont je pourrais utiliser mes forces pour atteindre les résultats que je m’étais fixés. Alors, je crois qu’il est très important pour chacun d’identifier ses compétences, de trouver son étincelle et ce en quoi il excelle plutôt que de suivre aveuglément ce que le génie nous dicte d’être. Cela peut vous prendre quelques années pour y arriver; vous devrez peut-être occuper différents emplois et un jour, peut-être que c’est quelqu’un qui vous le fera remarquer. C’est ce qui m’est arrivé. Un jour, quelqu’un m’a dit que j’étais vraiment bonne avec les gens. Alors, je me suis assise et je me suis dit : « toute ma vie j’ai voulu être ingénieure, alors pourquoi le fait d’avoir une habileté interpersonnelle est-elle si importante? ». Parce que maintenant, j’ai cette connexion avec le génie et avec les gens qui me permet de réaliser beaucoup de choses. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé quel était mon super pouvoir et que j’ai décidé de le mettre à profit. Je mise désormais sur lui. Je connais mes champs d’expertise et ne m’en cache plus, et je ne crois pas que ce soit incorrect.

Le fait d’avoir votre propre créneau et votre propre expertise vous permet vraiment de vous épanouir dans ce milieu. Cela vous procure également un sentiment de satisfaction et le sentiment d’être capable de faire tout au meilleur de vos connaissances, plutôt que d’avoir du mal à faire quelque chose que vous n’aimez pas ou pour laquelle vous n’êtes pas spécialement doué.

Jaclyn : Je suis heureuse que tu le soulignes car je suis totalement d’accord avec toi. Comme tu l’as dit, nous excellons tous dans quelque chose. Nous devons juste trouver en quoi, et si nous pouvons le mettre en pratique dans notre travail au quotidien, nous commençons alors à vraiment nous démarquer.

Anastasiya : Je crois que les jeunes gens, particulièrement les jeunes filles, doivent comprendre que  chaque compétence, même en matière de créativité, est importante dans la profession d’ingénieur.

La chose la plus importante pour nous est d’éduquer les gens quant aux différentes possibilités qu’offre la profession d’ingénieur.

Jaclyn : C’est un très bon point, et je crois que tout le monde est né avec une certaine forme de créativité. Elle est en nous. C’est ce qu’est vraiment le génie : trouver des façons créatives de régler les problèmes et trouver des solutions aux enjeux auxquels sont confrontés la société, le monde et l’environnement.

Après analyse, c’est vraiment ce qu’est le génie. Je crois que pour attirer et pour retenir plus de femmes en génie, nous devons leur faire savoir qu’elles n’ont pas besoin de changer pour entrer dans le moule; elles peuvent être exactement elles-mêmes et être ingénieures. Je crois que le plus gros obstacle à surmonter est la perception de ce que veut dire « être ingénieur »  et la façon dont un ingénieur doit se comporter. Nous devons changer cette perception et inclure plus de diversité dans le « personnage de l’ingénieur », dans ce que les ingénieurs font et dans ce qu’ils aiment parce qu’il y a vraiment une grande diversité.

Anastasiya : Totalement. Soyez qui vous êtes. Voilà comment vous pouvez vous intégrer à la profession et c’est la clé; c’est ce que tous doivent savoir. Comme pour tout, je crois que l’industrie a besoin de grandir et d’évoluer.

Jaclyn : Ça ne se fera pas de la même façon qu’au cours des 100 dernières années. Même au sein de l’industrie, il y a toujours de nouvelles technologies, des environnements en mutation, des sujets d’actualité et des enjeux en constante évolution. Avec ces changements, je crois que les gens qui occupent des postes d’ingénieur vont également changer. Je trouve que c’est excitant. Heureusement, on peut dire que toi et moi serons parmi ceux qui réaliseront ce changement.

Anastasiya : Tout à fait!

 

À propos de Jaclyn Mann

Jaclyn Mann, ing., compte 15 années d’expérience dans la distribution d’énergie électrique. Titulaire d’un diplôme en ingénierie des systèmes industriels et possédant une vaste expérience au sein tant de l’industrie du transport de l’électricité que de l’industrie de la distribution électrique en Saskatchewan, elle est passée de postes techniques à des postes de direction. Travaillant pour le compte de SaskPower durant les 15 premières années de sa carrière, elle a pu acquérir une excellente connaissance des différents aspects et enjeux de l’industrie de la distribution d’énergie électrique. Au service de CIMA+ depuis peu, Jaclyn a hâte de mettre à profit ses connaissances dans le cadre de son nouveau rôle de consultante.

Luc Jolicoeur

À propos d’Anastasiya Shved

Anastasiya Shved, ing., a entrepris sa carrière en tant qu’ingénieure d’usine dans une centrale au charbon. Titulaire d’un diplôme en ingénierie des systèmes industriels, elle était impatiente d’acquérir une expérience pratique utile en participant à la planification et à la supervision d’activités de maintenance, en effectuant des inspections d’équipement et en contribuant aux opérations quotidiennes de la centrale. Elle s’est par la suite occupée de nouveaux projets de construction et d’activités de mise en service, se concentrant entre autres sur la résolution de problèmes. Après 6 ans au sein de la centrale, elle a joint le groupe Distribution Standards et met désormais à profit ses connaissances techniques sur les matériaux pour gérer les défauts de matériel et pour établir de nouveaux contrats sur les matériaux ainsi que ses aptitudes interpersonnelles et techniques pour gérer les programmes des clients.

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